Après une tournée de six semaines chez nos fournisseurs en Turquie, en France, en Italie et en Espagne, nous avons constaté que le marché n’est pas statique. Le prix des céramiques et la disponibilité de l'"argile de guerre" sont des sujets brûlants. Nous vous expliquons pourquoi.
Une guerre (des prix) pour l'argile et la céramique
Une guerre (des prix) pour l'argile et la céramique
Une perception erronée
Le premier constat que nous pouvons tirer de notre tournée est le suivant : on doit changer la perception erronée du public face au coût du carrelage. Ces dernières années, les carreaux en céramique ont bien souvent été considérés comme une solution de revêtement de sol bon marché. Malheureusement, cette image a également été adoptée par le marché des projets, les magasins de bricolage, les architectes, les promoteurs immobiliers et certains magasins de matériaux de construction. Résultat : aucune usine (même au Brésil) ne veut opter pour le format 60x60 et encore moins pour le format plus petit. Elles continueront bien évidemment à les produire à un prix équitable mais plus à perte.
En tant que grossistes, importateurs, vendeurs de carrelage, détaillants, agents, prescripteurs, responsables des sols, architectes et entrepreneurs, nous avons tous pour tâche de faire disparaître cette perception erronée et de justifier le prix des carreaux en céramique. De cette manière, la céramique ne deviendra pas (et ne doit pas devenir) "l'alternative bon marché". Il paraîtra abordable s’il est abordé sous le bon angle avec des explications correctes sur le produit. C’est ce pourquoi nous nous sommes battus pendant des années. Si nous continuons à nous battre, c’en sera bénéfique pour l’ensemble les parties prenantes.
Un particulier qui achète des carreaux qu’il aime à une seule reprise ne se préoccupe pas de savoir qu’il coûte 55 euros aujourd'hui alors qu’il était à 40 euros l'année dernière. Il choisit ses carreaux en fonction de son budget et du style qui lui plaît. Le marché des projets doit, lui aussi, revoir à la hausse (de 10 à 15 euros) la valeur marchande des carreaux en céramique. Quiconque prétend aujourd'hui pouvoir fournir des carreaux d'une valeur marchande de 30 euros fait fausse route et envoie un signal totalement erroné à l’ensemble du marché.
Une autre constat de notre tournée européenne : les prix ne vont plus baisser, à moins que la taxe sur l'énergie (ou d'autres taxes) ne soit abolie. Nous devons nous préparer à un nouveau monde mais cela ne veut pas dire que nous n’en tirerons aucun bénéfice. Bien au contraire.
Arciblansa : une visite unique
L'histoire la plus touchante que nous avons entendue au cours de notre visite est celle de “l’argile de guerre”. Les usines dans lesquelles nous nous sommes rendus en Espagne autorisent rarement les visites car elles sont au coeur de la céramique.
Après avoir insisté et grâce aux bonnes relations que nous entretenons avec les habitants de Peronda, nous avons eu la chance de visiter Arciblansa. Le nom d'Arciblansa est peu connu, bien que l'usine fournisse plus de 30 % des matières premières pour la fabrication de carreaux en céramique. Leur argile est d’ailleurs également exportée en Italie. Pour vous donner une idée de sa taille, Arciblansa exporte 1 million de tonnes d'argile chaque année.
Dans l'usine, on trouve plus de 30 mélanges d'argile dont l'argile du Donbass ou Terre de la Guerre. Un sujet qui fait désormais l'actualité en raison de la guerre d’Ukraine. Pour le secteur, l'approvisionnement de ce type d'argile est vital.
Prix Nobel de la céramique 2022
L’année s’est achevée en beauté, les derniers bateaux du Donbass ont été livrés à la fin du mois de mars. Cependant, personne ne sait ce qui se passera ensuite. Le secteur va-t-il s'arrêter de tourner ? Certainement pas ! Certains producteurs vont-ils rencontrer des difficultés après l'été ? Sans doute. Depuis quelques mois, certains fabricants ont testé des types d'argile alternatifs dans leurs laboratoires. De nouvelles formules sont également développées en collaboration avec le département céramique de l'Université de Castellon. Cela peut sembler aisé mais ce n'est pourtant pas le cas : l’argile doit s'adapter aux types d'émail actuels. La personne qui arrivera à résoudre ce problème remportera sans aucun doute le prix Nobel de la céramique 2022.
Notre conclusion ?
Malgré l’incertitude, il y a des perspectives d’avenir. Le secteur ne restera pas sans rien faire : il y aura de nouvelles collections au Cersaie 2022. Nous sommes néanmoins contraints de nous adapter à la nouvelle réalité. Il incombe désormais à l'ensemble du secteur de justifier le prix de la céramique aux parties prenantes.